Pensez-y-bien,
les chevaux « dominants » ne sont pas là que pour pousser tous les
autres, dans la nature les chevaux qui sont les plus hauts placés dans le rang
social seront les premiers à aller boire, mais les premiers à se faire attaquer
s’il y a quelque chose dans l’eau. Ce sont ceux qui portent le plus gros poids
sur leur épaule. Ce sont les éclaireurs du groupe, ceux qui se mettent en
danger le plus souvent, c’est donc un rang qui est un peu plus stressant que
les autres! Ce rang social est très important pour l’organisation du groupe,
par exemple lorsque le troupeau est menacé on peut également l’observer tous les
jours lors des déplacements pour se nourrir, lorsque les leaders partent se
nourrir, il n’est pas rare que tous les autres le suivent. Pourtant il ne les
poursuit pas tête baissée pour les pousser… Ce sont eux qui choisissent de le
suivre.
Ce sont souvent les plus haut placés qui défendront le groupe,
permettant aux autres de s’échapper. C’est
aussi eux qui s’assureront que les poulains ne sortent pas du groupe ou qu’un
cheval ne tente pas, par curiosité, d’aller voir un nouveau venu. C’est quelque
chose que j’ai déjà observé, lors de l’introduction d’un nouveau cheval dans le
groupe de chevaux de mon écurie. La jument dominante allait chercher les
chevaux pour les garder derrière elle dès que l’un d’eux tentait d’aller voir
le nouvel arrivé et elle poussait ce dernier afin qu’il ne s’approche pas des
siens. Ce n’est donc pas qu’une question d’être le premier… Le rang que les
chevaux possèdent n’est pas nécessairement une question de rapport de force et
de dominance, c’est bien plus complexe que cela, sinon comment expliquer que la
nouvelle arrivée de notre écurie, Molly, est une petite vieille qui a réussi a
passer au top ranking alors qu’elle est vieille et arthrosé… On n’a jamais vu un
cheval lui envoyer des coups… Et pourtant, la voilà au top, respecté par tous,
alors que la moitié des chevaux sont bien plus forts qu’elle.
Mémé Mimi qui s'occupe de bébé Money. Un temps de répit pour la maman. |
N’oublions
pas que le rang social chez les chevaux n’est toujours pas qu’une question de
qui a la priorité ou qui « décide » comme certains le pense. C’est
aussi qui mange ensemble, qui gratouille qui, qui tolère qui… C’est aussi ce qui forge des relations d’amitié entre
chevaux, généralement il se forme des « bandes » selon le niveau qu’ils
ont dans le groupe social, mais parfois entre des chevaux plus hauts placés et
des moins hauts placés, c’est plus rare, mais ça arrive.
Sonara (haute dans le rang social) qui passe beaucoup de temps avec Lockwood (plus bas dans le rang). Même si Sonara passait beaucoup de temps avec les autres hauts placés, Lock était son exception. |
Le rang social est
plus souvent décrit comme un triangle social qu’une pyramide en bonne et due
forme. Ce rang ne devient une question de qui mange en premier que lorsque les ressources deviennent limitées,
sinon il est rare de voir de la chamaille à ce sujet. Même chez les chevaux qui
ont un lien social fort, « pair-bond » en anglais, le respect de
l’espace personnel de l’autre est souvent ce qui peut créer de petites
altercations. C’est le problème avec le lien humain-cheval, le cavalier
souhaite le respect de son espace, mais n’offre pas ce respect de l’espace de
son cheval! Il l’oblige souvent à tolérer toute sorte de choses alors qu’en
réalité « entre chevaux » l’autre a le droit de répliquer ou de
partir. Ce qui n’est souvent pas offert par le bipède dans le travail avec les
équidés. Voilà pourquoi Pat Parelli dit toujours « when you
remove the halter and the lead, what’s left is the truth »,
traduction : lorsqu’on enlève le licol et la longe, ce qui reste c’est la
vérité. Si votre cheval se barre… vous savez maintenant ce qu’il en pense.
C’est
amusant (ironiquement parlant) de voir à quel point les cavaliers se servent du
fait que les chevaux se tapent ou se mordent (à l’occasion) pour communiquer afin
de justifier le fait de brutaliser et bousculer leurs chevaux, pour des petites
choses complètement ridicules, mais lorsqu’on parle de respect de l’espace du
cheval, de communication plus naturelle (plus équine) et de laisser s’exprimer
un cheval (lui laisser la chance de communiquer ses états d’âme) tout à coup on
les perd. Il faut tout de suite arrêter de justifier des gestes violents
injustifiés envers les chevaux sous prétexte qu’ils le font entre eux (parce
que déjà il y a des étapes avant de taper et ensuite une raison, ce que
beaucoup de gens ne comprennent pas) et commencer à essayer de devenir un
leader. Pas celui qui a accès à tout en premier et qui est le seul à pouvoir
s’exprimer, non un vrai leader équin… Celui qui sera le premier à se mettre en
danger, qui sera celui qui va affronter le danger pour laisser les autres s’échapper,
qui ouvrira la voie, qui sera sécurisant, qui ne fera aucun acte sans raison
valable et qui agira en conséquence de la gravité de l’acte seulement, pas de
façon démesurée. Comme je le dis souvent, une question de dosage et
d’équilibre, trouver le bon équilibre entre ne pas se laisser marcher dessus et
laisser au cheval le droit d’avoir son mot à dire.
Référence : McGreevy, Paul, Equine Behavior a guide for
veterinarians and equine scientists, second edition, 2012, Saunders Elsevier.
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