Introduction
Quand il s’agit de poulain, plusieurs techniques sont
utilisées, aimées ou détestées… L’éventail des méthodes utilisées est grand et
la créativité bat son plein. Cette créativité peut parfois être utilisée pour
le meilleur, mais aussi pour le pire. Il y a une grande préoccupation parmi les
scientifiques et les comportementalistes équins à propos de la nécessité et de
l’aspect éthique de nouvelles méthodes appelé « imprinting
training », qu’on pourrait traduite par entrainement imprégnatoire ou travail
d’imprégnation. Ce type d’entrainement gagne en popularité parmi les gens de
chevaux et est rencontré de plus en plus souvent. La technique la plus
populaire est celle de « Miller imprinting method », on retrouve
plusieurs références à propos de cette méthode dans les revues scientifiques et
c’est également celle qui est le plus souvent utilisée dans les écuries.
Certains éleveurs pratiquent l’imprégnation, parfois sans vraiment le savoir,
simplement en étant autour du poulain à sa naissance (en assistant la mère ou
en vérifiant son état de santé par exemple). Ces deux facettes de
l’imprégnation seront révisées dans ce papier. Il y a une tonne de croyances
différentes quant a la véracité de faire de l’imprégnation ou pas, alors les
scientifiques et les comportementalistes ont commencé à faire des recherches
afin de savoir si ces techniques créaient vraiment de « meilleurs chevaux
adultes » et surtout si cela améliore vraiment le bien-être du poulain
comme promis par ces entraineurs.
Qu’est-ce que l’imprégnation ?
L’imprégnation est une période critique dans la vie de
plusieurs animaux naissants, les poulains en font partie. Cette période se
produit juste après la naissance, chez le poulain, on croit qu’elle se produirait
pendant ses 48 premières heures de vie (McGreevy, 2012). Pendant cette période,
le poulain est programmé, de façon innée, pour suivre le mouvement autour de
lui (Miller, 2001). C’est un instinct de
survie, qui fait en sorte que le poulain va s’attacher à sa mère dès la
naissance. Ce phénomène se produit naturellement, sans aucune intervention
externe (William and al., 2002) et il est irréversible. C’est peut-être pour
cette raison que les juments s’isolent légèrement de la harde lorsqu’elle
pouline à l’état sauvage ; pour éviter toute interférence entre elle et
son poulain lors de leur première rencontre. Cette étape est critique pour la
survie du poulain puisqu’il a besoin de sa mère pour le protéger et le nourrir,
mais également parce qu’il a besoin d’elle pour apprendre à vivre comme un
cheval. Le poulain apprendra tout ce qu’il doit savoir auprès de sa mère ;
quelles plantes sont toxiques, comment communiquer avec les autres chevaux,
comment se toiletter mutuellement, etc. (Price, 1999). Si un poulain ne
s’imprègne pas de sa mère, cela pourrait lui poser problème en grandissant,
encore plus s’il serait un poulain sauvage, puisqu’il risquerait de ne
simplement jamais avoir le temps de vieillir.
Les techniques de travail imprégnatoire
Avec la découverte de cette période critique chez le poulain
nouveau-né, les entraineurs ont découvert que cela pourrait permettre de
modeler le comportement du poulain très tôt dans son développement (Miller,
2001). Sachant cela, certaines personnes ont commencés a entrainer leur poulain
dans cette période, utilisant plusieurs techniques pour réussir a avoir le
comportement qu’il désirait. Ce type d’entrainement est acclamé pour produire
de meilleurs chevaux qui seront moins réactifs aux divers stimuli de la vie et
qui seront plus facile à dresser plus tard (William and al. 2002).
Le travail d’imprégnation n’est pas une
« nouveauté » (Comme à peu près tout le travail dit
« éthologique »), mais le Dr. Robert Miller à remis ces techniques en
avant plan et les a popularisé à nouveau. C’est son approche qui est
probablement la plus connu, aimé ou critiqué de nos jours. Dans sa méthode,
l’entrainement commence dès que le poulain est sortie de sa mère, en le
frottant partout ; dans la bouche, les oreilles, tout le corps, etc. Cela
est fait en utilisant des stimuli qu’il rencontrera plus tard dans sa
vie ; tondeuse, sac de plastique, taper sur ses sabots (maréchal ferrant),
tapis de selle, etc. Dans sa technique, c’est même l’entraineur qui décide
quand le poulain aura le droit de se lever (Miller website, 2013). Selon la
procédure, une personne doit tenir et rassurer la mère, pendant qu’une seconde
retient le poulain et qu’une troisième fait les manipulations sur lui. Cet
entrainement doit être fait tout juste après la naissance puis répété à 12, 24
et 48 heures de vie pour être efficace selon le Dr. Miller. Il affirme que cela
rendra le poulain plus soumis, plus sensible à la pression, plus désensibilisé
aux stimuli externe et que cela va améliorer le lien entre l’entraineur et le
poulain (Miler website, 2013)
Certains entraineurs sont plus discrets pendant cette
période, en étant simplement près du poulain, voulant simplement familiariser
le poulain à l’humain. L’accoutumance est un procédé selon lequel une
exposition graduelle à un stimulus réduit la réaction du cheval à ce dernier
(McGreevy, 2012). Plusieurs éleveurs le font tous les jours sans même le savoir,
en venant manipuler le poulains pour s’assurer qu’il est en santé et en
observant ses premières heures de vie pour s’assurer que tout va bien et que le
déroulement normal des choses se produit. Lorsqu’un éleveur veut vraiment
« imprégner » un poulain, il commence par manipuler la mère près du
poulain. Si la mère est calme, le poulain apprend à être détendu à l’approche
des humains (McGreevy, 2012). Dans ce type de méthode, le poulain apprend en
observant l’humain interagir avec sa mère et, par curiosité, viendra découvrir
ce que la personne est en train de faire. Cette dernière pourra alors présenter
des objets au poulain, qui sera libre de se retirer s’il en a peur et sans
toutefois être éloigné de sa mère.
Quels sont les bénéfices et les points négatifs de l’imprégnation
Parlons des bénéfices ; être présent tôt dans la vie
d’un poulain rendra la présence humaine plus normale et moins stressante pour
lui. Si l’humain est présent dans la période d’imprégnation, il deviendra un
élément normal dans la vie du poulain, parce qu’il aura toujours fait partie de
son environnement. Il comprend donc que ce n’est pas une menace pour lui. Si le
poulain découvre l’humain plus tard dans sa vie, il deviendra une nouveauté qui
aura besoin d’une désensibilisation progressive. Donc si l’humain est présent
au moment de la naissance, il devient une partie de l’environnement normal du
poulain ce qui facilitera la relation humain-poulain.
Du côté plus négatif, une imprégnation invasive peut
interférer avec la relation encore fragile entre la mère et son poulain, ce qui
peut être dangereux pour ce jeune équidé et peut même mener à des problèmes de
comportement (McGreevy, 2012). La jument joue un rôle extrêmement important
dans la socialisation et l’apprentissage du poulain nouveau-né. C’est elle qui
lui apprendra les manières ainsi que les bonnes réponses aux signaux et aux
menaces des autres chevaux. Ceci veut également dire que si le lien mère-poulain
est compromis, le poulain pourrait être plus agressif envers les autres chevaux (puisqu’il ne
comprendra pas leurs signaux) ou alors il pourrait être trop « amie »
avec son meneur et devenir trop amicale avec lui, jouant avec lui comme avec un
autre cheval, ce qui pourrait devenir très dangereux (McGreevy, 2012). Cela
pouvant aller jusqu’à de l’agression envers les humains, puisqu’il n’aura pas
appris les limites du « jeu ». Comme discuté dans les sections de
l’imprégnation, un poulain n’ayant pas été imprégné avec sa mère pourrait
manquer de certains apprentissages vitaux tels que ; la sélection des
plantes (celles a évités par exemple) en autre.
Des techniques telles que « L’inondation »
(Flooding en anglais) sont également utilisées avec certaines méthodes d’imprégnation.
Cette approche consiste à surexposer le poulain à un objet potentiellement
effrayant ou a un stimulus désagréable jusqu’à ce que sa réaction disparaisse
(McGreevy, 2002). Il est littéralement envahi par le stimulus sans pouvoir y
échapper, la stimulation va cesser seulement lorsque le poulain arrêtera d’y
réagir. L’inondation est une forme de désensibilisation, mais plutôt que d’être
progressive, elle « inonde » le poulain avec le stimulus. Il est
simplement présenté sans préambule et à sa « force » maximale. Par
exemple, plutôt que de présenter une bâche au poulain, de le laisser la
renifler et écouter le son qu’elle fait, le poulain sera simplement recouvert
avec la bâche jusqu’à ce qu’il arrête d’y réagir, ensuite elle pourra être
retiré, mais pas avant, peu importe a quel point il se débattra.
Les poulains ayant été exposés à cette méthode peuvent
développer ce qu’on appelle de l’impuissance acquise (learned helplessness)
très tôt dans leur développement. L’impuissance acquise se produit lorsque le
poulain comprend que rien de ce qu’il peut faire ne pourra l’aider à éviter le
stimulus désagréable, qu’il n’a aucun contrôle sur son environnement et qu’il
ne lui reste qu’à ne plus rien essayer et à ne plus réagir à rien (Hall an al.
2007). Rien ne peu plus l’aider, il va
simplement se figer plutôt que d’essayer de s’échapper. Le poulain aura l’air
calme et le stimulus sera donc retiré. Avec l’impuissance acquise, le poulain
ne comprend pas qu’il n’y a aucun danger, il comprend simplement que rien ne
pourra l’aider à éviter le stimulus, sauf de rester là sans bouger et attendre
qu’il soit retiré (même si intérieurement, il sera très stressé et anxieux).
Une étude a démontré que l’effet de l’entrainement avant
le sevrage n’est pas permanent, il est sujet à disparaitre. Ce qui veut dire que
si le comportement n’est plus renforcé et travaillé, il peut cesser. Cette
étude a démontré que l’entrainement d’un poulain avant le sevrage ne donne pas
de meilleur résultat face à un poulain non manipulé (Willian and al. 2002).
Cette étude prend en compte le rythme cardiaque (indicateur de stress) lors des
tests ainsi que le temps qu’il faut au poulain pour accomplir la tâche qui lui
est demandée. Si un poulain manipulé avant le sevrage était plus calme ou
apprenait plus facilement qu’un poulain non manipulé, son rythme cardiaque ou
son temps de complétion serait inférieur. Les résultats n’avaient présenté
aucune différence significative entre les deux groupes.
Discussion
Les cavaliers et entraineurs devraient être très prudent
lorsqu’il quand il est question de travail d’imprégnation ; il ne faut pas
interférer avec le lien jument-poulain. Les techniques qui consiste à être le premier
à toucher au poulain peuvent compromettre gravement ce lien encore très fragile
entre la mère et son poulain nouveau-né. Les manipulations effectuées avec ces
techniques doivent être répétés plusieurs fois pendant la période critique
d’imprégnation. Cela peut sembler banale, mais le lien entre la mère et son
poulain est « solide » de quelques heures seulement, il est encore
très fragile à ce stade. Si le lien est compromis et que l’attachement du
poulain à sa mère n’est pas assez solide, les conséquences qui en résulteraient
pourraient être désastreuses, non seulement pour la survie du poulain mais
aussi pour son comportement futur (McGreevy, 2012), puisque c’est la jument qui
donnera les meilleurs enseignements à son poulain.
Une autre préoccupation pourrait être la façon dont le
travail d’imprégnation sera fait. La technique Miller, par exemple, a des
horaires d’entrainement et une structure très précise qui doivent être suivi à
la lettre, sans quoi le succès de l’entrainement pourrait être grandement
compromis. Si les étapes sont effectuées trop rapidement, elles peuvent
stresser le poulain au point où rien ne sera appris, puisque le stress réduit
les capacités d’apprentissages (Nicol C.J, 2012). Le manipulateur pourraient
également sauter des étapes ou encore les effectués de la mauvaise manière. Il
y a également un risque de mauvais timing lors du retrait des stimuli ce qui
pourrait récompenser le poulain pour le mauvais comportement, ce qui serait
plutôt contreproductif. Donc si les lignes directrices de la méthode ne sont
pas respecté à a lettre, il y a de grandes chances pour qu’au final, ça ne
fonctionne pas, ou pire, que ça cause plus de tort que de bien.
Une étude a démontré que les jeunes chevaux de 2 ans qui
n’ont pas été manipulé ou qui ont été manipulé plus tard dans leur vie sont
moins performant dans leurs apprentissages que les poulains ayant été manipulé
plus tôt dans leur développement et depuis
plus longtemps (entrainé entre 6 mois à 2 ans) (Heird et al, 1986). Ceci dit,
« tôt » s’est produit à partir de 6 mois lors de l’étude, ce qui
coïncide avec le sevrage chez la plupart des poulains. D’autres études mentionné
précédemment ont trouvé qu’il n’y avait pas de différence réel entre les
poulains manipulés avant le sevrage et ceux manipulés après lors des tests
d’apprentissage. Il n’y a donc aucune hâte et même pas de réel bénéfice à
commencé l’entrainement d’un poulain très jeune (avant le sevrage). Les
entraineurs qui font le travail d’imprégnation disent que ce travail rend les
chevaux plus calmes et en font de meilleurs élèves, mais ces études ont
démontrés le contraire.
La période d’imprégnation est vraiment courte chez le
cheval et il y a une différence entre entrainer un jeune poulain et le travail
d’imprégnation. Pour être appelé « imprégnation », cela doit se
produire dans les deux premiers jours de vie d’un poulain. Une hypothèse est
qu’un poulain qui est entrainé en imprégnation continue d’être entrainé par la
suite jusqu’au moment du débourrage. Cela peut signifier que ce n’est pas le
travail fait pendant la période d’imprégnation qui rend le cheval plus calme, mais
le fait qu’il continue d’être entrainé de façon régulière et présenté à de
nouveaux stimulus par la suite. Ce serait donc ce travail constant qui ferait
que le travail effectué est retenue. Les études présentées plus hauts tendent à
appuyer cette hypothèse. Il n’y aurait donc pas de réel avantage à travailler
un poulain en « imprégnation », mais il y aurait plus d’avantage à
travailler le poulain de façon progressive et constante lors de son
développement, sans toutefois avoir besoin de commencer ce travail alors qu’il
est encore un nouveau-né.
Conclusion
Être présent dans les premières minutes de vie d’un
poulain est une bonne chose, parce que l’éleveur doit s’assurer de la bonne santé du poulain, surveiller
qu’il commence à se nourrir correctement, que la mère ne le rejette pas, qu’il
évacue bien le méconium et ainsi de suite. Il doit aussi s’assurer que la
jument se porte bien qu’elle expulse bien le placenta et qu’elle n’a aucune
complication post-partum. Mais l’imprégnation devrait être laissée à la mère et
nous ne devrions pas interférer dans ce processus, puisque plusieurs études ont
démontré que ce n’était pas nécessaire pour avoir un meilleur poulain et qu’il
est trop facile de le faire de la mauvaise façon. Ces mêmes études ont démontré que les poulains
ayant commencé leur entrainement après le sevrage ne sont pas moins performants
dans leur apprentissage que les poulains ayant été imprégnés. Laissons la
jument se lier à son poulain et lui apprendre tout ce qu’il a besoin de savoir
pour vivre. Bien entendu, les gens doivent être présents dans l’environnement
du poulain, ils doivent simplement s’assurer de ne pas interférer entre eux et
d’éviter de les stresser pendant ces heures critiques. En prenant soin de la
jument, le poulain sera naturellement curieux de venir voir ce qui se passe,
l’éleveur pourra alors lui présenter ces outils et commencer à le
désensibiliser doucement sans interférer dans la relation entre lui et sa mère,
et ce, sans le retenir ou le forcer. En gardant le poulain auprès de sa mère,
il y a moins de chance de faire obstacle à leur relation. De plus, sa présence
peut aider à calmer le poulain. D’ailleurs, si la jument est proche de
l’humain, le poulain apprendra aussi que l’humain n’est pas une menace et qu’il
peut même être agréable d’être auprès de lui. Donc être présent auprès du
poulain sans toutefois prendre la place de la mère en le faisant s’imprégner de
nous plutôt que d’elle est une solution plus efficace et moins inquisitrice qui
se veut tout aussi efficace, voire plus efficace.
Reference
McGreevy, Paul, Equine behavior a guide for veterinarians and equine scientists, second edition, saunders Elsevier, 2012
McGreevy, Paul, Equine behavior a guide for veterinarians and equine scientists, second edition, saunders Elsevier, 2012
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Nicol
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department of clinical veterinary science, university of Bristol, Langford, UK.
Elsevier science, 2002, P 204.
Merci pour cette conclusion... parfaite
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